Frédéric VENGEON, sportif et en Cercle, une interview nature
«Transformer l’agressivité en convivialité ! »
Frédéric Vengeon est l’un des plus anciens membres de la section Aïkido du Club Roger Arbus. Il pratique l’Aïkido depuis 23 ans avec Maître Lorenzi. Agrégé et docteur de philosophie, il nous confie quelques aspects qui guident sa pratique.
Maître Lorenzi vous considère comme un disciple ? Quel sentiment cela vous inspire-t-il ?
Cela me fait plaisir autant que cela m’honore. J'essaie chaque jour de me montrer digne de cette rencontre. Je veux aussi mentionner Maître Arbus; la présence de ces deux Maîtres pendant toutes ces années a été une chance incomparable.
Justement, avec le cours du dimanche après midi que vous allez animer, comment comptez-vous rester fidèle à son enseignement et à ses valeurs ?
D’abord par l’importance donnée à la vie du mouvement avant sa précision formelle. Il convient de mettre les gens en mouvement, de leur donner le goût des déplacements circulaires, ce qu’on appelle les Tai sabaki, cette façon de se déplacer propre à l’Aïkido ou au Judo. Nous prenons les gens tels qu’ils sont dans leurs mouvements.
Toutefois si l’Aïkido que nous a enseigné Maître Lorenzi peut être très rond, il peut aussi se montrer anguleux comme un polygone inscrit dans un cercle. Maître Lorenzi nous a permis d'explorer un large spectre de l'Aïkido. La Voie est large. Elle intègre aussi bien la douceur et l'accueil que la confrontation et le conflit. Rudesse et volupté. L'harmonie recherchée intègre une certaine dose d’agressivité, qui certes doit être contrôlée et dépassée, mais qui implique une exigence d’efficacité.
C'est la vie même. Maître Lorenzi a toujours puisé aux sources de la vie ; son enseignement est d'ailleurs plein d'une réelle poésie liée à un émerveillement face aux forces de la nature. Rappelons-nous l’image récurrente du tourbillon dans la rivière ou des mains qui s’ouvrent et se ferment comme des pétales de fleurs.
Cette importance attachée au mouvement circulaire semble renvoyer au yin et au yang et au Tao. Vous qui enseignez la philosophie et les penseurs d’occident vous en sentez vous proche ?
Je n’ai pas fait d’études sérieuses de philosophie orientale, mais quand je réfléchis à ma pratique de l’Aïkido, cela ne me pose pas véritablement de problème. Chez les penseurs occidentaux, il y a toujours eu une vraie philosophie de la nature, trop souvent méconnue. On la rencontre chez les pré-socratiques, chez Platon (le temps est l'image mobile de l'éternité), ou encore chez les stoïciens pour qui le monde est un dieu. On la retrouve encore Bergson pour qui chaque chose est faite du mouvement qui l’a porté à être. Le christianisme vit la Création comme une relation au divin, un voile qui ne doit pas faire écran. La liste serait longue.
Galilée a théorisé la relativité du mouvement : nous ne sommes au repos ou en mouvement que par rapport à un autre. Kepler a conçu une cosmologie basée sur l'ellipse : un cercle à deux foyers qui fait danser toutes les planètes, intéressant non ?
Mais comment peut-on dire que pratiquer l’Aïkido, c’est renouer avec la nature ?
Simplement. L’Aïkido est certes un art martial mais c’est aussi une façon d’explorer en soi la façon dont la nature s’exprime en nous. L'esprit s'éveille et se structure dans ce contact entre la nature en nous et la nature autour de nous. C'est dans cet entre-deux que se trouvent les faveurs et les obstacles.
Votre façon d’exprimer la nature en Aïkido est parfois un peu rude, comme Maître Lorenzi vous ne redoutez pas les grains, vous semblez même apprécier les provoquer ?
L'harmonie de la nature n’est pas toujours très douce. Quitte à déplaire à certains, il en va de même pour l’Aïkido qui n’est ni une danse ni un art floral. Il puise aussi dans l’agressivité et la violence. De ce fait, c’est un art martial comprenant des mouvements dangereux qui peuvent blesser ou donner la mort et c’est aussi cet aspect un peu sombre qui m’a attiré.
Pour moi, c’est une façon d'humaniser mon agressivité et de l’exprimer avec cette idée qu’en lui donnant une forme acceptable, elle soit dépassée et ne transparaisse pas ailleurs. Cette pratique a une dimension de catharsis qui puise dans nos pulsions agressives pour les conjurer grâce à des mouvements merveilleux ouverts au dialogue avec l’autre. A ce sujet, dans le respect de l'intégrité de Uke - celui qui subit l'action - il me semble important de le solliciter. Peu à peu le corps se fortifie, l'énergie circule. De plus, pour mesurer l’efficacité d’une technique, il faut l’avoir subie. Ainsi, à la mesure de chacun, il y a un engagement sur la Voie.
Finalement je dirai que mon but avec l’Aïkido est de transformer l’agressivité en convivialité. Fleurir auprès des autres.
Une interview de Frédéric Vengeon par Laurent Bromberger, le 11 avril 2019
Me Guy Lorenzi a eu de nombreux élèves, certains tout petits ?, mais 'motus' ! ils se reconnaîtrons. (le porteur de clé A.T.) vous pouvez cliquer sur l'image pour accéder à l'album.