L'esprit du Judo

                        Le Judo est né de la vision d'un pédagogue, Me Kano, qui a rassemblé des techniques et élaboré une méthode pour former des hommes complets.

                        Un des piliers de cette méthode est la pratique du Randori, que Me Kano a valorisé comme personne avant lui. Le Randori est un exercice libre dans lequel deux partenaires se sollicitent l'un l'autre et se prêtent à la qualité des mouvements exécutés. Il s'agit de laisser le judo naître ente eux, et les élever peu à peu. Ce n'est pas un assaut; ce serait une faute de faire écran ou obstruction, il convient au contraire de favoriser la bonne occasion, le bon passage.

                        Le judo n'a donc pas pour but la destruction d'un adversaire mais une édification mutuelle des partenaires dans une adversité tempérée, régulée.

En ce sens la chute est peut être le mouvement de base et la première clé pour tous les autres mouvements du judo. Loin de marquer une faiblesse ou une infamie, la chute est la condition pour progresser soi même et faire progresser l'autre. Elle doit être acceptée comme une ponctuation musicale et non comme un couperet fatal.

                         Le judo ne vise donc pas la constitution d'une énergie agressive lancée contre l'autre, mais une préparation attentive, dans la création du déséquilibre, pour initier le renversement des centres. Le judoka doit apprendre à absorber, contourner et ressaisir l'impulsion du partenaire. C'est une combinaison ludique d'impulsions dans les failles du déséquilibre.

                         Il est impossible de pratiquer le judo seul, contre l'autre.

Même l'assaut ou le combat, s'il est bien mené, amène la paix: il ne détruit pas, il n'humilie pas, il sanctionne celui que s'est révélé le plus fort. Chacun peut avoir sa victoire personnelle à l'intérieur d'un même combat. Il n'y a de victoire ou de défaite que devant soi même ou devant ceux que nous estimons.

                          Ces relations d'édification mutuelle doivent a fortiori gouverner les rapports entre le Maître et l'élève. Le Maître doit veiller à ne pas utiliser la destruction des autres pour sa propre ambition. Il doit guider l'élève dans le développement de ses talents et l'ouvrir à l'amplitude éducative des mouvements du judo.

                                                                                                                 Roger ARBUS