Pierre Roussel, un judo, un style

Pierre Roussel, un des membres remarquables du Cercle sportif, est né le 4 décembre 1927 à L'Étang-la-Ville, et mort à Paris en 1996, judoka français il est également artiste peintre.Pierre Roussel 1949

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le souvenir de Pierre Roussel reste dans notre Dojo par ses dessins de mouvements de judo que Roger Arbus conservait pour nous les montrer quelquefois, et l’un d’entre eux durant des années sur la vitre du Dojo. Depuis sa plus jeune enfance, Pierre Roussel été bercé dans l'atmosphère de peinture de son grand-père et de son grand-oncle , les peintres Ker Xavier Roussel et Édouard Vuillard.

Pierre Roussel fit ses études au lycée Carnot puis à l’École Nationale supérieure des Arts Décoratifs ENSAD à Paris en 1945.

Pierre Roussel est initié au judo par Jean Andrivet dans le Dojo du 17 rue Mesnil à Paris 16è dans les années 1940. Il devient le 1er champion de France Junior en 1945 et est, en 1946, le 45e français à obtenir son grade de ceinture noire. Il deviendra plus tard l'assistant de Jean Andrivet. Il est nommé ensuite Directeur de la Fédération française de judo-jujitsu avant le retour en France de Mikinosuke Kawaishi en 1948.

Nous avons vu ce qu’en disait Guy Verrier dans son interview par Claude Thibault (Les pionniers du Judo français Budo ed. 2011) "Verrier, il a tellement subi les terribles balayages de Pierre Roussel qui'il est devenu champion des contres pour ne plus tomber" a dit l'un des pionniers. Guy Verrier répond à Claude Thibault "Il y a un peu de vrai dans cette anecdote. Pierre Roussel était très rapide et pour le contrer il fallait être plus rapide que lui. Les anciens comprendront la difficulté du challenge! »

Claude Thibault décrit ainsi Pierre Roussel (Les pionniers…ib. P211) « Pierre Roussel a certainement été le meilleur styliste du judo français d’après-guerre. Le premier, il réussit des balayages en compétition et donne naissance à un style « à la Roussel » qui fait l’admiration d’une génération de pratiquants…Pour lui, la brutalité et la force ne doivent pas exister à l’entraînement et il s’éloigne même des japonais dans leur conception d’un judo viril. Il préfère les Ashi-guruma (15è de jambe) et De-ashi-baraï (2è de jambe) aux mouvements de compétition du judo moderne. La nouvelle voie sportive suivie par le judo n’a pas modifié son opinion.»

En 1952, C’est la rencontre avec Ichiro Abe, 6e dan, envoyé officiel du Kodokan comme conseiller technique au Shudokan de Robert Lasserre, à Toulouse. Un coup de massue et une découverte. Jacques Belaud précisera : « Je m’apercevais que je ne savais rien, j’ai à nouveau appris à lire et à écrire ». Avec ses complices Lucien Levannier (c.n. n°36), Guy Pelletier (c.n. n°7) et Pierre Roussel (c.n. n°45), commence alors ce que l’on appellera « l’aventure Kodokan ». Ainsi Pierre Roussel après avoir débuté avec Andrivet dans la transmission de Me Mikonosuke Kawaishi, fut élève de Minoru Mochizuki et de maître Ichiro Abe; Il obtient son 4° Dan Kodokan en compétition en 1956, lors de son voyage au Japon. Le Kodokan lui décernera ensuite le grade de 6è dan pour la valeur de son enseignement.

Pierre Roussel témoigne de la citation que fait Michel Brousse dans sa rétrospective du judo français : «On dit que le judo contient une part secrète de symbolique; même dans l’efficience, il s’agit de gestes retenus, précis mais courts, dessinés juste mais d’un trait sans volume» Roland Barthes, (Mythologies, 1957)

Pierre Roussel ‘fait Judo’ avec son corps et sa personnalité quand on lui reconnaît un style. Roger Arbus insiste souvent sur la capacité que chacun manifeste en propre, qu’il faut solliciter et développer. Pierre Roussel a également rencontré ‘un judo’ particulier, celui transmis par Ichiro Abe (né en 1922, 10è dan du kodokan). Le Kodokan est fondé à Tokyo, Kawaishi, lui, est né dans l’ouest du Japon où les traditions de judo se distinguent de celles de Tokyo. Son fils Kawaishi Norikazu décrit ainsi les différences « Sa méthode, il l’a voulue différente du gokyo du Kodokan (bien plus pauvre techniquement) qui privilégie le judo de traction (hiki no judo) et qui débute par de-ashi-baraï. Il met en avant le judo de poussée (oshi no judo) favorisant les techniques arrières et le ne-waza. » cité par Michel Brousse (Les racines du judo français PU Bordeaux 2005 P219)

Michel Brousse (ib. P220) cite ensuite l’explication sur des principes d’esthétique fonctionnelle d’André Leroi-Gourhan (Le geste et la parole, La mémoire et les rythmes. Albin Michel 1965) : « Le judo donne une dimension spirituelle à la performance. Ce choix se traduit par une exigence de style. Dans les clubs, les corps cassés et les défenses en force sont interdits ou méprisés… L’efficacité n’a de valeur que dans la beauté du geste. La noblesse est du côté de l’attaque… Les spécialistes du sol sont craints et respectés, mais ils sont loin d’obtenir l’admiration que reçoivent les experts des balayages et des ‘entrées en cercle’. » Pierre Roussel Taï otoshi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pierre Roussel, en 1968, en désaccord avec la Fédération Française de Judo (FFJDA) sur la manière d'enseigner le judo et de délivrer les grades, rassembla un grand nombre de professeurs, avec lesquels il fonda l’ordre des Professeurs de Judo.

Les entraînements entre Guy Verrier et Pierre Roussel ont laissé des traditions au Dojo. Cependant, Roger Arbus, à chaque récit commencé par ‘son mouvement, c’est le style de…’ répliquait immédiatement « Il n’y a pas ‘le judo d’untel ou d’une telle’, il n’y a que LE judo ».

Il serait bien ridicule de distinguer un aïkido omote d’un aïkido ura, ou encore un aïkido d’ushiro ukemi d’un aïkido de ‘chute avant’.

Cependant, il semble bien que « donner une dimension spirituelle à la performance » soit toujours un défi. Peut-être les dessins de Pierre Roussel peuvent-ils nous aider à le relever ?

Le porteur de clé A.T.